Menu principal

La Robe Portefeuille : un vêtement, mille façons d’exister

Elles ne se sont jamais rencontrées. L’une cousait du coton rayé dans l’Amérique des années 40. L’autre dansait en robe en jersey dans les rues de Manhattan. La troisième a ce regard qui capte ce que les autres ne voient pas.
Trois femmes. Trois époques.
Et entre elles, un lien discret : une robe qui se croise, se noue, s’ajuste à la vie.

Pas de bouton, pas de fermeture. Juste un geste simple, répété depuis des décennies : entourer la taille, nouer, respirer. La robe portefeuille n’est pas un effet de style. C’est un choix. Un espace. Une liberté.
Cet article retrace l’évolution d’une robe qui a traversé les époques et les idées, pour se transformer en bien plus qu’un simple vêtement.

Claire McCardell, la révolution douce

Dans l’atelier baigné de lumière tamisée, le bruit régulier de la machine à coudre rythme les pensées de Claire.

L’Amérique des années 40 est plongée dans la guerre, un monde en tensions où la mode semble perdre de son éclat face aux réalités de la vie quotidienne. Mais ici, dans cet espace clos, le temps s’étire différemment. Claire pense aux femmes de son époque, aux mères et aux épouses, dont le quotidien est rythmé par des contraintes matérielles et morales. Elle s’arrête un instant, fait glisser le tissu entre ses doigts, le laisse se poser devant elle.

Le regard plongé dans cette étoffe, une idée la traverse comme une évidence : une robe épurée, sans attaches visibles. Une coupe qui s’enfile et s’ajuste, qui épouse sans contraindre. Juste une ceinture à nouer, comme une ponctuation douce à la taille pour s’adapter au corps et à la vie, sans fioritures. Elle imagine les femmes qui la porteront : elles seront légères, libres, en mouvement constant.

Claire sourit, concentrée sur la coupe qui prend vie sous ses mains. Elle n’invente pas seulement un vêtement. Elle redonne une voix, un souffle, un peu de douceur dans un monde qui en manque cruellement.

Sa robe portefeuille naît ainsi, comme une liberté nouvelle.

Claire McCardell at drawing board - Maryland Center for history and culture
Publicité pour la robe “Popover” de Claire McCardell

Diane von Fürstenberg, la danseuse en mouvement

La musique bat son plein dans le club new-yorkais. Les lumières floues dansent autour des invités. Diane, nouvelle arrivée dans la ville, se fond dans le rythme. Ce soir, c’est une célébration. Elle vient de tourner une page : elle a quitté l’Europe et ses rêves de danseuse pour embrasser une nouvelle vie à New York, dans un monde où tout semble possible. Elle est venue pour créer.

Depuis quelques semaines, elle observe la ville, ses contrastes, ses femmes. Elle dessine, griffonne, cherche encore sa voie. Mais ce soir, dans cette salle en mouvement, une idée se précise peu à peu. Ses gestes spontanés lui rappellent quelque chose d’essentiel : le besoin de liberté. Elle se laisse porter par la musique, et un détail, simple mais évident, lui apparaît : les vêtements des femmes doivent pouvoir suivre ce même rythme.

La musique s’arrête un instant, reprise, contretemps. Diane sourit. Dans cette ville où tout va vite, où chaque femme court entre ses ambitions et ses désirs, elle sent qu’il manque quelque chose. Un vêtement qui accompagne, qui suit sans freiner. Pas une tenue imposée. Une complice, une alliée.

Elle pense à une forme souple, presque dessinée dans l’élan d’un pas de danse. Une ligne qui glisse autour des hanches, qui s’attache d’un geste. Rien à fermer, rien à camoufler. Juste une manière nouvelle de s’habiller : rapide, instinctive, assurée.

Diane Von Fürstenberg en 1976 dans sa “Wraped dress”

Isabel Marant, une idée en courant

Assise à la terrasse du Café de la Nouvelle Vague, son café noir entre les mains, Isabel observe Paris s’éveiller. Le soleil caresse doucement les pavés, et la rue commence à se remplir de vie. Autour d’elle, les conversations s’élèvent, entrecoupées du cliquetis des tasses et des pas pressés des passants.

Elle s’apprête à prendre une gorgée quand elle sent le café chaud s’écouler entre ses doigts, un éclat de chaleur qui la fait sursauter. Elle relève les yeux, prête à en vouloir à la femme qui vient de la bousculer, mais elle se ravise aussitôt…

L’inconnue court, talons claquants, sac en travers de l’épaule, robe droite un peu trop ajustée pour la cadence qu’elle impose à ses pas. Le tissu tire, la fente s’ouvre à peine, les bras s’agitent pour garder l’équilibre alors qu’elle tente de rattraper le 67 qui file déjà. Une allure déterminée, mais gênée par les contraintes de sa tenue. Isabel la regarde s’éloigner, son gobelet de café encore tiède entre les doigts.

Ce n’est pas le mouvement qui l’inspire, c’est ce qui manque. Elle imagine une autre tenue, plus libre, plus juste. Une robe qui suivrait sans jamais retenir, capable d’accompagner ce genre de matin sans y perdre son élégance. Isabel glisse la main dans son sac, sort son carnet et, d’un trait rapide, attrape l’idée avant qu’elle ne s’efface. La femme a déjà disparu, mais sa robe portefeuille, elle, est là.

Isabel Marant - Robe portefeuille Aleora en daim synthétique
New York Times, 48 Hours with Isabel Marant in Paris, 2019

Je suis et me dessine

Je prends un moment pour enfiler cette robe, ce geste simple mais chargé de sens. Elle s’ajuste, sans contrainte, à ma réalité, à mes envies, à ce que je veux être aujourd’hui. Et en la portant, je me sens plus forte, plus libre, comme si elle venait compléter une partie de moi-même. Ni trop, ni trop peu. Elle me suit, s’adapte, à ma manière, au rythme de ma journée. La robe portefeuille, comme une évidence, se dessine à mon image, et je comprends que c’est à moi de lui donner vie.

Peut-être que le moment est venu de la coudre, de la faire naître, à ma façon…

Patrons de couture pour coudre une robe porte-feuille

Tissus pour coudre une robe porte-feuille